Je suis libraire spécialisée BD.
Et je suis une fille ( comme le ée de spécialisée l'indique).
Et ben la BD, l'air de rien c'est un peu un milieu d'homme.
Y a qu'à voir les mines ahuris de certains nouveaux clients quand je suis seule dans la boutique parce que mon Prince (oui, parce que c'est Mon Prince -qui un jour est venu- qui tient la boutique 6 jours sur 7, je suis en renfort quand je ne travaille pas) est parti faire des courses/ se reposer / agonise frappé par la grippe du libraire( aussi connue sous le nom de fièvre du carton).
On me demande ou est le patron. Si je suis une cliente. Ou, la plus belle que j'ai jamais entendu "De toute façon vous allez pas pouvoir me renseigner, vous devez pas connaitre"
... :-(
Mais mon plus bel exemple ça reste ce jour de salon dans ma jolie ville.
Je participe à un gros salon du livre, avec joie et bonheur, et je suis donc la chef de l'espace BD, où je me pavane des heures en indiquant Astérix , Tintin, Naruto et Dragon Ball 95% du temps.
Et de temps en temps j'ai mon collègue des documentaires qui vient me voir, pour me rapporter des BD abandonnées chez lui, comme ça je peux lui rendre les documentaires volontairement oubliés dans les Lucky Luke.
Mon collègue documentaire est cool - je l'aime bien - et surtout il est un homme.
Nous étions en train de nous marrer comme des crétins en feuilletant un excellent ouvrage à destination des enfants et adolescents "le Zizi, questions et réponses" ( au passage si vous êtes nul en explication face à un ados curieux, ce livre là, tout comme le guide du zizi sexuel de Zep est trèèèèès bien fait. Et en plus, on rigole bien en le lisant ).
Un monsieur arrive, fonce sur nous tout droit et s'adresse ( sans un bonjour ni aucune autre marque de politesse, hein, je veux dire, on est là, on est des bonniches) directement et droit dans les yeux à monsieur documentaire. " vous avez le dernier Empire?". Mon collègue me jette un regard désespéré. Il ne voit pas de quoi on parle. Il fait "heuuuu". Le monsieur, sans se tourner vers moi, sans laisser à mon pote le temps de placer plus que "heueueu" insiste " Mais si Empire, le 4 vous ne l'avez pas?"limite il perd patience le mec. Limite il va bouffer mon pote qu'est trop un incompétent de la BD avec son air de djeunss et ses dread locks, ma pov dame ils mettent des djeunns qui connaissent rien à la BD alors forcément après on s'étonne!
Alors, royale, j'interviens,
"-Empire? vous voulez dire l'Uchronie sur les guerres Napoléoniennes?"
le monsieur ramasse sa machoire et daigne enfin se tourner vers moi.
"- heu..oui.
- Et bien monsieur, le 4 n'est pas encore paru et de toute façon, le salon est un salon du livre jeunesse, par conséquent, non seulement nous ne pouvons pas avoir toutes les séries parues, mais nous ne sélectionnons que très peu de séries adultes, et de préférence pas des uchronies." tout ça dit gentiment hein, et avec le sourire. Je ne me suis pas encore tranformée en Pitbull.
( on ne va pas embrouiller nos chère petites têtes blondes avec des guerres napoléoniennes qui n'ont pas eu lieu hein? Vous le savez bien que Mary Shelley,en vrai, elle était pas général? hein?)
- "Ha..."fait le monsieur, pour qui le monde est à l'envers puisque c'est une femelle qui lui parle de Napoléon et de BD et quand il cherche le soutien de mon collègue, celui parvient enfin à placer "moi je suis au documentaire en fait"
Alors, abandonné de tous, même de l'Homme qui était là, le pauvre monsieur est parti, la tête basse, devant ce monde où tout fout le camps et où on a donné aux femmes le droit de s'exprimer sans y avoir été invité et de lire des BD.
Peut être suis je un peu cruelle avec ce monsieur. Peut être était ce la tristesse de ne pas trouver sa BD qui l'a à ce point chambouler ( après je veux dire, dans ma jolie ville, il y a ma jolie boutique et dedans plein de jolie BD...donc tout espoir pour lui n'était pas perdu). Mais quand on me tourne le dos pendant la majeur partie de la conversaion, on perd son droit à un calin et à un lait chaud.
Comment ça le client a toujours raison?
Vous voulez dire même quand il vous juge à vos doudounes plutôt qu'aux judicieux conseils que vous pourriez lui donner?
